Une femme à vélo sur les traces du pionnier du cyclotourisme

Une femme à vélo sur les traces du pionnier du cyclotourisme

A 33 ans, Giulia Baroncini parcourt 7’000 km à vélo, de Milan à Chicago et retour, comme l’a fait son concitoyen Luigi Masetti à la fin du 19ème siècle. Rencontre virtuelle avec une femme moderne, arrivée à mi-parcours, qui raconte son périple sur internet et se loge grâce aux plateformes en ligne – ce qu’elle appelle l’économie de la gentillesse

« Si vous me cherchez, je suis en vadrouille » :  sur son site se mi cercate sono in giro, Giulia Baroncini annonce la couleur. Oui mais où exactement? « En ce moment à Chicago, j’arrive au bout de mon périple ! » lance la cycliste, jointe au saut du lit de l’autre côté de l’Atlantique. A trente-trois ans, la jeune femme s’est lancé un défi considérable : refaire le voyage que Luigi Masetti, pionnier italien du cyclotourisme, a parcouru de Milan à Chicago en 1893, avalant 7’000 km en quatre mois.

Arrivée à Chicago, elle rebrousse chemin

Partie le 9 juin de la capitale lombarde, Giulia a traversé la Suisse et l’Europe continentale jusqu’à Londres, où elle a pris l’avion pour New York. De là elle a pédalé jusqu’à Chicago, d’où elle s’apprête à rebrousser chemin. Début novembre elle devrait être de retour à Trecenta, petit village dont elle est originaire, tout comme son illustre prédécesseur. Non sans avoir peut-être rencontré le président américain Joe Biden, comme Masetti avait rencontré Cleveland…

A Genève, Masetti voit passer l’une des premières bicyclettes

Bien sûr, cette dernière option pourrait rester un rêve, car les temps ont changé depuis l’époque où la bicyclette était une nouveauté absolue. La vie était dure dans le Polesine, une terre pauvre de la Vénétie, connue pour les alluvions, la malaria et les luttes paysannes, si bien que le brave Masetti décide d’aller chercher fortune ailleurs. Il s’en va d’abord à Milan – «comme mes grands-parents » – et ensuite à Genève, où il travaille dans un hôtel. Là il voit passer un engin sur deux roues et c’est le coup de foudre : il décide d’apprendre à faire du vélo et de pédaler jusqu’à Chicago, où se tient l’exposition universelle. Un voyage qu’il appellera Il Viaggissimo.

« Je me suis beaucoup retrouvée dans ce personnage, nous raconte Giulia. Diplômée de tourisme, polyglotte, je travaillais dans un hôtel, comme lui, mais cela ne me convenait pas. Un jour, je suis entrée dans une librairie et suis tombée sur « L’anarchico delle due ruote », un livre qui raconte du périple à vélo de Luigi Masetti à partir des reportages qu’il écrivait pour le Corriere della Sera. Ce n’est pas moi qui ai choisi le livre, c’est lui qui m’a choisie et m’a guidée en pleine crise existentielle. »

https://lignesdhorizon.net/une-femme-moderne-a-velo-sur-les-traces-du-pionnier-du-cyclotourismeForme de voyager résolument moderne

Mais si l’inspiration est ancienne et l’itinéraire celui de son mentor, la méthode est résolument moderne. «Ce sont les gens qui font le voyage, sans eux il n’existerait pas, réfléchit Giulia. Je suis seule sur mon vélo toute la journée, le soir j’ai envie de partager mes expériences et je me loge grâce à Warm Showers» Cette plateforme de cyclistes qui en accueillent d’autres, gratuitement, permet d’amortir les coûts, mais surtout de nouer des contacts. « C’est une forme d’économie de la gentillesse, vous en recevez et vous la rendez, continue Giulia. C’est un moyen d’améliorer le monde par de petits gestes et de planter de nouvelles graines, tout en réalisant ses rêves. »

Comme les quelques autres femmes qui tentent l’aventure, voyager seule est un choix pour Giulia, car cela lui permet d’être entièrement libre. « Sinon il faut bien choisir son compagnon de voyage, comme Maurizio, qui m’a accompagnée pendant une semaine dans ma traversée de la Suisse ». Ce quinquagénaire de Morges a été ravi de découvrir une nouvelle façon de voyager en compagnie d’une jeune femme étonnante : «Giulia a le contact très facile, elle dégage une positivité qui fascine et tout le monde lui ouvre la porte. Sans compter qu’avec les Warm Showers, mes seules dépenses se limitaient au sandwich de midi ! », rigole l’ingénieur informatique.

Féminisme et envie de susciter de nouvelles vocations

Cette « forme élevée de voyager » est pour la cycliste une école de croissance personnelle, qui permet d’apprendre à connaître de nouvelles cultures et de devenir plus tolérant. Des expériences qu’elle raconte dans son blog et sur les réseaux sociaux, tout en soulignant le côté féministe de la démarche : « Traditionnellement le vélo était un outil d’émancipation et la société ne voulait pas de cela pour les femmes. Même aujourd’hui il n’y en a pas beaucoup qui en font et si de surcroît vous partez seule, on vous demande forcément pourquoi vous n’êtes pas accompagnée. Pourtant le monde n’est pas plus dangereux pour les femmes que pour les hommes. Si voulez faire quelque chose seule, allez-y ! », lance celle qui déclare n’avoir jamais rencontré le moindre problème.

Inutile de dire qu’à son retour, Giulia ne s’imagine pas travailler de nouveau dans un hôtel… Elle aimerait lancer un projet pour mettre en avant le Polesine, où les gens pensent qu’il n’y a rien à faire, alors que c’est une terre pleine de ressources, selon elle. « À Chicago, il y a un musée de la glace et les gens font la file pour le visiter. Les Américains sont capables de valoriser n’importe quoi, nous devons nous en inspirer ! » lance la jeune femme. Ce qui est sûr, c’est qu’elle va écrire un livre sur cette aventure, qui soit un peu la suite de celui de Masetti. En attendant, Brava Giulia fait l’objet d’une émission hebdomadaire dans une radio locale (où la célèbre chanson de Vasco Rossi fait l’ouverture) et elle tient une chronique dans un magazine de cyclotourisme. Pour susciter de nouvelles vocations.

COMMENTAIRES

WORDPRESS: 0
%d blogueurs aiment cette page :