OMC : La Suisse peut souffler…. pour l’instant

OMC : La Suisse peut souffler…. pour l’instant

Photo: siège de l’OMC à Genève © Isolda Agazzi

La conférence ministérielle de l’OMC est ajournée sine die. La Suisse et l’UE sont de plus en plus isolées dans leur opposition à la levée des brevets sur les vaccins. Sans attendre la prochaine ministérielle, une décision peut et doit être prise par le Conseil général. Le nouveau gouvernement allemand pourrait infléchir la position de l’UE

La décision est tombée hier, peu avant minuit : l’Organisation mondiale du commerce (OMC) annule la conférence ministérielle prévue à Genève du 30 novembre au 3 décembre et la reporte sine die. En cause : les interdictions de vols en provenance d’Afrique australe imposées par la Suisse et l’Union européenne suite à l’apparition du nouveau variant Omicron du Covid – 19.

Cette décision est bienvenue : il était impensable de tenir une réunion aussi importante sans la participation en présentiel de certains ministres et, de la part de la première directrice générale africaine de l’organisation, Ngozi Okonjo-Iweala, on n’en attendait pas moins.

On imagine que la Suisse doit souffler : la pression montait de toute part pour qu’elle accepte la levée temporaire des brevets et autres éléments de protection de la propriété intellectuelle sur les vaccins, médicaments et tests anti-covid, comme demandé par l’Inde et l’Afrique du Sud (dérogation ADPIC). Cette proposition est soutenue par une centaine de pays et même partiellement par les Etats-Unis, qui ont accepté au moins la levée de la protection de la propriété intellectuelle sur les vaccins.

La Suisse est l’un des rares pays qui continuent à s’y opposer, avec l’Union européenne et la Grande Bretagne. Mais le Parlement européen vient de voter, le 25 novembre, une résolution en faveur de la dérogation qui pourrait infléchir les décisions de la Commission européenne.

Le Conseil général de l’OMC peut décider de la levée des brevets

Que va-t-il se passer maintenant ? Techniquement une conférence ministérielle n’est pas nécessaire pour une dérogation ADPIC : celle-ci peut être approuvée par le Conseil général de l’OMC, qui a déjà approuvé beaucoup de dérogations dans le passé. La différence est que la ministérielle rendait la question beaucoup plus visible : des manifestations sont prévues à Genève et dans d’autres villes, les ONG comme Alliance Sud étaient et restent mobilisées et les médias du monde entier s’intéressent à la question.

La conférence s’annonçait très difficile et personne ne pouvait en prévoir l’issue, mais l’intransigeance suisse et de quelques autres pays risquait de la faire échouer car à l’OMC les décisions se prennent par consensus.

Les travaux sur la dérogation aux dispositions de propriété intellectuelle devraient donc se poursuivre au sein du Comité sur les ADPIC, où la Suisse risque d’être de plus en plus isolée : au sein de l’Union européenne, c’est l’Allemagne qui menait le front du refus, mais le nouveau gouvernement de centre – gauche pourrait changer de position.

Paradoxalement, le nouveau variant Omicron aura montré une fois de plus, si nécessaire, que tant que le monde entier n’est pas à l’abri du covid, personne ne l’est. Il est donc plus urgent que jamais d’augmenter la capacité de production des vaccins, tests et médicaments dans les pays en développement. Ceci passe aussi par la levée des brevets et le transfert de technologie et de savoir faire par les entreprises pharmaceutiques.

On peut espérer que ceci se fasse avant la prochaine conférence ministérielle, dont la nouvelle date n’a pas été fixée. Sinon il sera peut-être trop tard pour juguler enfin ce virus qui a mis le monde à l’arrêt depuis deux ans.

COMMENTAIRES

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    Sonja 2 ans ago

    L’avenir que vous rêvez sera géniale.

    Nous avons perdu l’industrie, car nos salaires et notre protection sociale nuisent à notre compétitivité sur le marche mondial. C’est acté. Le travail manuel a quitté le continent européen pour l’Asie.

    Et maintenant, vous réclamez la fin des brevets, soit notre dernière protection pour le maintien de jobs en Suisse et en Europe… Le travail intellectuel quittera donc aussi notre continent, car sans brevets, nous sommes trop chers…

    Vous serez alors heureuse quand nos enfants auront faim? et se chaufferont en brûlant les vestiges de notre passé ? Et recevront de l’aide humanitaire de l’opulente Chine ?

    Pourquoi souhaitez-vous à ce point ce partage de nos richesses, en ce sens de plus pour les autres et moins pour nous ?

    Les autres avant les nôtres… ?

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    Luc Otten 2 ans ago

    Les vaccins sont des produits dont les exigences de qualité sont bien plus exigeantes que les comprimés. Pourquoi ?`entre autres car la technologie est plus complexe et car les exigences de sécurité pour un injectable de prévention sont bien plus hautes.
    Proposer des vaccins génériques sans contrôle de qualité va conduire à une série de problèmes dont une plus faible acceptation par les populaiotns et un signal très négatif contre les biotechs innovantes pour trouver des vaccins plus efficaces avec une logistique moins chère. Le bénéfice de lever les brevets sera faible vu la limitation mondiale dans la fabrication.
    Mes remarques ne sont pas valables pour les comprimés de traitement anti-Covid pour les quelles des licences volontaires ou des exemptions temporaires doivent être la règle.

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