La guerre en Ukraine risque de provoquer des famines en Afrique

La guerre en Ukraine risque de provoquer des famines en Afrique

Marché à Arusha, Tanzanie, qui importe 60% de son blé d’Ukraine et de Russie © Isolda Agazzi

La hausse vertigineuse des prix des matières première agricoles et énergétiques pourrait plonger 44 millions de personnes dans la famine. Pour Alliance Sud, il faut délaisser l’agriculture industrielle pour aller vers l’agroécologie et réduire la dépendance aux importations en favorisant la production locale et la souveraineté alimentaire

Selon la FAO, 8 à 13 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de sous-nutrition en raison de la guerre en Ukraine, surtout en Asie, en Afrique et au Proche-Orient. Or, la faim dans le monde touche déjà une personne sur dix et 1/3 de la population mondiale est en situation d’insécurité alimentaire à cause de la pandémie de covid 19 et de la hausse des prix de l’énergie. Le nombre de personne souffrant de la famine pourrait ainsi atteindre les 44 millions dans 38 pays.

L’Ukraine et la Russie sont parmi les principaux exportateurs de blé, maïs, colza, orge et tournesol et représentent, à elles deux, plus de 1/3 des exportations mondiales de céréales. La Russie est même le principal exportateur de blé ; l’Ukraine le cinquième. Les deux pays vendent 52% de l’huile de tournesol.

Or, le blé est l’aliment de base de 35% de la population mondiale et son prix explose : il a atteint 380 euros la tonne, un record. La hausse est due au blocage des exportations depuis les ports ukrainiens de la mer Noire. Quant à la prochaine récolte en Ukraine, prévue pour juin, il n’est pas sûr qu’elle puisse avoir lieu. La Russie, de son côté, a menacé de suspendre toute exportation jusqu’au 30 juin (ou jusqu’à la fin de l’année, ce n’est pas très clair). Ses ports sur la mer Noire sont ouverts, mais les sanctions ont rendu les transactions difficiles et déprécié fortement le rouble, ce qui pourrait faire augmenter les prix.

Une autre raison à la hausse des prix est d’ordre psychologique : les marchés, qui craignent les restrictions aux exportations, risquent d’adopter des comportements spéculatifs.

L’Egypte, la Turquie, le Bangladesh et l’Iran importent 60% de leur blé des deux belligérants

Une autre raison majeure explique cette hausse : la Russie est le principal exportateur de gas et le 2ème de pétrole au monde, dont les prix ont fortement augmenté aussi en raison de la guerre. Le gaz sert à fabriquer les engrais azotés de synthèse, dont la Russie est le principal exportateur au monde et qui n’alimentent pas moins de 25 pays. Finalement, l’explosion du prix du gaz et du pétrole a aussi une conséquence sur le fonctionnement des machines agricoles, le transport et la transformation des produits.

L’Erythrée, le Kazakhstan, la Mongolie, l’Arménie, la Géorgie et la Somalie dépendent à 100% de l’Ukraine et de la Russie pour l’importation de blé.  Le Liban, déjà au bord du gouffre économique, importe 80% de son blé d’Ukraine – le 10 mars, le gouvernement a augmenté le prix du pain. Quant à l’Egypte, la Turquie, le Bangladesh et l’Iran, qui sont les principaux importateurs de blé au monde, ils s’approvisionnent jusqu’à 60% en Russie et en Ukraine. Et la liste continue : 26 pays dépendent à plus de 50% de ces deux pays pour leurs importations de blé. D’autres en dépendent fortement, comme la Tunisie, le Yémen, la Libye, le Pakistan et la Syrie. Au Soudan, le prix du pain a augmenté dimanche de sept centimes et lundi des manifestations ont éclaté, réprimées à balles réelles par la police.

 Argentine, Brésil, et autres exportateurs pénalisés par la hausse du prix du carburant

Certes, des sources d’approvisionnement alternatives existent, comme le Canada, les Etats-Unis, l’Argentine et l’Australie, mais ces pays pourraient restreindre les exportations pour nourrir leur population. Cependant, même de grands producteurs agricoles comme le Brésil et l’Argentine ne profiteraient pas de la hausse des prix car les coûts d’importation, notamment des engrais russes dont ils sont très dépendants, sont devenus beaucoup plus élevés.

Dès lors, si guerre continue, la FAO s’attend à ce que son indice des prix alimentaires, qui agrège plusieurs denrées alimentaires (céréales, sucre, viande, produits laitiers, etc.) grimpe de 8% à 20% au-dessus de son niveau actuel, qui est déjà très élevé.

Les conséquences sont prévisibles : insécurité alimentaire et troubles sociaux, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. La situation est particulièrement grave en Afrique de l’Ouest, où 26 millions de personnes sont déjà en situation d’urgence alimentaire. Un chiffre que les experts projettent à 38 millions d’ici l’été. La production agricole de la région a fortement baissé en raison des conflits, du changement climatique et du covid.

Passer à l’agroécologie et à la production locale

Pour rappel, la hausse spéculative des prix des céréales après de mauvaises récoltes en Ukraine et en Russie en 2011 a été l’un des éléments déclencheurs des révolutions arabes. Or, il est difficile pour la plupart des pays en développement de subventionner les denrées alimentaires, ou de les subventionner davantage. Les caisses des Etats sont vides et ils doivent reprendre le service de la dette, suspendu en 2020 à cause du covid. Le Mali, pour ne citer qu’un cas, est déjà en défaut de paiement.

Pour Alliance Sud, la solution, à long terme, est de réduire la dépendance agricole aux énergies fossiles en délaissant l’agriculture industrielle pour se tourner vers l’agroécologie, une forme d’agriculture plus respectueuse des ressources naturelles et qui réduit les intrants chimiques. Il faut aussi revoir les chaînes d’approvisionnement global et réduire la dépendance aux importations en favorisant la production locale et régionale et la souveraineté alimentaire.

A court terme, il faudrait réduire les agrocarburants et le gaspillage alimentaire ; s’opposer à la privatisation des semences ; et augmenter l’aide humanitaire, à commencer par les fonds alloués au Programme alimentaire mondial (PAM).

COMMENTAIRES

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    Helveticus 2 ans ago

    Encore une raison suplémentaire qui prouve l’absurdité de ces sanctions qui ne frappent que les pauvres gens qui n’y peuvent rien, et pas du tout les responsables de la guerre.

    Honte à la Suisse, qui a bazardé sa neutralité pour s’aligner sur ces sanctions !

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    Solenne 2 ans ago

    Honte à Lausanne, qui n’a pas trouvé mieux que Beaulieu pour héberger les femmes et enfants réfugiés d’Ukraine !

    https://www.24heures.ch/beaulieu-accueillera-des-refugies-ukrainiens-157583033257

    Encore une fois, la municipalite à la parole de gauche, mais le coeur très à droite !

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