Le Soudan du Sud doit payer un milliard à une société libanaise

Le Soudan du Sud doit payer un milliard à une société libanaise

Photo: bergers au Soudan du Sud © Sonia Shah

Un tribunal arbitral a condamné Juba à payer 1 milliard USD à Vivacell, une compagnie de téléphonie mobile libanaise dont il avait suspendu la licence d’exploitation pour non-paiement d’une redevance de 66 millions. Le siège juridique de l’arbitrage serait en Suisse et le gouvernement veut faire appel devant un tribunal suisse

Alors que le Soudan du Sud suscite l’intérêt des médias à cause de la visite du pape François, qui commence aujourd’hui, une autre actualité, toute aussi cruciale pour le pays le plus jeune et l’un des plus pauvres du monde, est en train de passer largement inaperçue. Fin janvier, Juba a été condamnée par la Cour internationale d’arbitrage à verser 1 milliard USD à Vivacell, une entreprise de téléphonie mobile appartenant au groupe libanais Al Fattouch. En cause : la suspension de sa licence d’exploitation en 2018, par suite de son refus de s’acquitter d’une redevance et de taxes s’élevant à 66 millions USD.

Presque le pays le plus pauvre du monde 

Un milliard USD, c’est une somme exorbitante, surtout en comparaison du PNB de ce pays d’Afrique, estimé par la Banque mondiale à moins de 12 milliards USD en 2015 (mais qui pourrait être beaucoup plus bas aujourd’hui en raison du covid) et dont le PNB par habitant de 791 USD est l’avant-dernier du monde.

Comment en est-on arrivés là ? Le ministre de l’Information et des services postaux, Michael Makuei Lueth, a expliqué à la presse locale que Vivacell avait obtenu sa licence en 2008 de New Sudan, une entité créée par le Sudan People’s Libération Movement (SPLM) de John Garang pendant la guerre civile. Selon les termes de la licence, d’une durée de dix ans, Vivacell était exemptée du paiement de toute taxe et redevance. Mais les choses ont changé en 2011, lorsque le Soudan du Sud est devenu un Etat indépendant. En 2018, le ministre affirme avoir demandé à l’entreprise libanaise de renégocier la licence et de s’acquitter de la redevance, ce qu’elle a refusé de faire.

Même si le contrat avait été conclu entre une entité non souveraine et le prestataire du service avant l’indépendance du Soudan du Sud, Vivacell veut continuer à opérer dans les conditions que lui avaient accordées New Sudan.

Possibilité de faire appel en Suisse

« Nous sommes en train de faire appel devant un tribunal suisse, qui est le centre d’arbitrage», a déclaré Makuei à la presse locale, ajoutant que le gouvernement avait débloqué 4,5 millions USD pour payer les frais de justice et engager des avocats, suisses et internationaux. Le délai était le 16 janvier, mais le gouvernement aurait demandé une prolongation.

Le jugement n’étant pas publié par la Cour internationale d’arbitrage et la Mission du Soudan du Sud à Genève n’ayant pas répondu à nos questions, il est difficile d’en savoir plus. Rambod Behboodi, un spécialiste de l’arbitrage international basé à Genève, a accepté de nous donner son avis, à condition de spécifier qu’il se base uniquement sur les articles de presse.

« Bien que la Cour internationale d’arbitrage soit basée à Paris, les parties d’un contrat peuvent définir un siège juridique différent pour une dispute, comme cela semble être la Suisse dans ce cas, explique l’avocat. Cependant lorsqu’une sentence arbitrale est rendue en Suisse, l’appel auprès du Tribunal fédéral est très limité : ce dernier ne peut pas s’exprimer sur le fond de l’affaire, mais seulement sur le non-respect de la procédure ou l’excès de juridiction. »

Opacité de l’arbitrage international

Si le Soudan du Sud perd en appel, que se passe-t-il s’il ne paie pas le milliard ? « Vivacell peut essayer de faire exécuter la sentence arbitrale par les tribunaux suisses si le Soudan du Sud a des actifs dans ce pays, nous répond-il. Elle peut aussi essayer de la faire exécuter dans tout autre pays où Juba a des actifs. Mais elle doit faire face à des problèmes d’immunité souveraine en dehors du Soudan du Sud : vous ne pouvez pas faire exécuter une action privée contre un État souverain dans un pays tiers, sauf dans des circonstances spécifiques. »

Bien qu’on ne connaisse pas les détails de cette affaire en raison de l’opacité qui caractérise l’arbitrage international, pour Alliance Sud elle montre toute l’absurdité de cette forme de justice privée. Un arbitre a le pouvoir de condamner l’un des pays les plus pauvres du monde à verser l’équivalent d’un dixième ou plus de sa richesse nationale à un investisseur étranger qui refusait de s’acquitter d’une redevance de quelques dizaines de millions.

« C’est le cas typique où les deux parties auraient tout intérêt à avoir recours à une procédure de médiation et conciliation, plutôt que de s’écharper devant les tribunaux », conclut Rambod Behboodi, qui est en train de mettre sur pied une telle instance à Genève.

COMMENTAIRES

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    Olivier Wilhem 4 ans ago

    Merci pour la piqûre de rappel. Je dois absolument voir ce film!

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      Olivier Wilhem 4 ans ago

      J’avais commencé à voir 3 épisodes et demie, à 9.00 – 4 gmt, quand la luz (le courant) s’est éteinte.
      A 14.21, pas de restauration…
      Non, je dis ça seulement pour ceux qui se plaignent de n’avoir point une armoire remplie de papier WC 🤣
      Ou de masques à gaz

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        Isolda Agazzi 4 ans ago

        En effet.. haha vous me faites rire! Là je suis obligée de vous demander où vous vivez… et si la lumière est revenue ce matin

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          Olivier Wilhem 4 ans ago

          Rassurez-vous, dés 16.00h, j’ai pu voir la fin, c’est magnifique!
          P.S. Près d’Aigua, Uruguay, mucho cuidado 🙂

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    Pierre-André Haldi 4 ans ago

    Instructif et passionnant, merci. Espérons que le souffle épique d’Homère ne soit pas totalement éteint à notre époque. Cette nous avons maintenant exploré l’entier de notre bonne vieille planète (du moins, lorsque les voyages sont possibles :-(!), mais un champ nouveau s’offre à nous avec l’exploration spatiale (voir blog de M. Pierre Brisson), pour une véritable Odyssée du XXIème siècle tout aussi palpitante que les aventures d’Ulysse!

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    Dominique Curchod 4 ans ago

    Du Bellay avant Brassens (a propos du beau voyage d’ulysse)

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    Zigomar 4 ans ago

    Merci pour cet article et pour m’avoir fait connaître ce film merveilleux.

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    Deux mots sur Homère et l’Iliade.
    Hemœra est une Déesse dont le nom et l’histoire remplissaient l’Europe, qui joua un grand rôle en Grèce et particulièrement dans l’ancienne Achaïe. On confond Eôs, l’aurore, avec Hemœra, Déesse du jour ; elle a des ailes aux épaules, elle plane dans l’espace et verse la rosée sur la terre.
    De ce nom Hemœra, on fit, par la suite, un nom collectif : les Hemœrides, désignant les prêtresses de la grande Déesse. Dans de nombreuses inscriptions trouvées sur les bords de la Méditerranée, les Prêtresses sont appelées Mœres, d’où le mot Mère. Hemoera, c’est la mère spirituelle. Les Muses sont surnommées Moemonides.
    Il est facile de comprendre comment le nom fut altéré : en voulant le masculiniser, on remplaça l’article féminin He par l’article masculin Ho, et Hemœra devint alors Homeros (Homère). Ce fut tout simplement un changement de genre pour consacrer un changement de sexe.
    Donc, c’est par antithèse que de mœra, lumière, voyance, on fait d’Homère un aveugle.
    Le sujet de l’Iliade est la colère d’Achille. Or, pour qu’Achille ait été en colère, comme Médée, à propos de la conquête du pays par les hommes, il faut qu’Achille ait été, dans le poème primitif, une personne bien attachée à l’ancien régime gynécocratique. Du reste, on nous dit que sa Mère l’avait rendu invulnérable, excepté au talon, en le trempant dans le Styx.
    Or, nous savons que cette légende représentait alors la Femme « mordue au talon » par le serpent, qui représente l’homme vil, celui qui l’attaque lâchement, « par en bas », c’est-à-dire dans son sexe.
    Alors, Achille, c’est la Femme outragée ! On en fait un « fils » de Téthys et de Pelée, roi des Myrmidons, et il aurait été élevé par le centaure Chiron (Khi/Chi-Ro), qui lui enseigna l’art de guérir (1). Donc Achille guérissait. Mais c’est la Femme qui exerçait la médecine dans les temples à cette époque ! Du reste, toutes ses occupations sont féminines : dans l’Iliade, nous voyons qu’Achille prépare elle-même (?) le repas qu’elle (?) veut offrir à Agamemnon.
    Puis on nous dit que, quand éclata la guerre de Troie, sa mère, sachant qu’il y devait périr, l’envoya déguisé en femme à la cour de Lycomède, roi de Scyros. Voilà donc Achille devenu femme, dans la rédaction revisée, mais à titre de déguisement ; combien cela est significatif ! Ulysse l’emmena au siège où il se signala par les plus glorieux exploits, tua Hector, puis, après dix ans de siège, fut tué par Paris qui lui lança une flèche empoisonnée au talon, seul endroit où il fût vulnérable.
    Tout ceci est évidemment arrangé par les reviseurs. L’Iliade est le récit devenu allégorique de la lutte de sexes en Grèce. On y voit Penthésilée, reine des Amazones, tuée devant Troie. Du reste, les premiers vers le disent :
    Déesse ! viens chanter la colère d’Achille
    Fatale, et pour les Grecs si fertile en malheurs,
    Qui d’avance, aux enfers, précipitant en foule
    Les âmes des héros, livra leurs corps sanglants
    Aux dogues affamés : ainsi Jupiter même
    Le voulut, quand la haine eut divisé les cœurs
    Du roi des rois Atride et du divin Achille.
    Ce qualificatif divin indique encore qu’il s’agit d’une femme, car, à l’époque d’Homère, l’homme n’est pas encore divinisé. L’Iliade dit :
    « Achille, l’illustre Eacide, né d’une mère immortelle ».
    Cette Mère, c’est Téthys « qui donna le jour à six filles divines », dit la Fable ; elle n’eut aucun fils.
    (1) Or nous savons que c’étaient des femmes qui exerçaient la médecine, on les appelait les Asclépiades, nom dont on fera Esculape. Dans l’Iliade, on lit : « La blonde Agamède qui connaissait toutes les plantes salutaires que nourrissent les champs » (Chant XI). La médecine était enseignée dans le temple de la déesse Hygie. Le commandant Espérandieu, correspondant de l’Académie des Inscriptions, a retrouvé un de ces sanctuaires sur le Mont-Auxois.
    Lien : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/la-grece-antique.html
    Cordialement.

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