Roberto Azevedo a jeté l’éponge une année avant terme. A l’OMC, les Etats-Unis bloquent le fonctionnement de l’organe d’appel. La Suisse et d’autres pays viennent de proposer une procédure d’arbitrage provisoire. Pour Alliance Sud, il faudrait profiter de cette crise pour rendre le système de plainte, extrêmement coûteux, plus accessible aux pays les plus pauvres
Pour expliquer sa démission anticipée du poste de directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), plus d’un an avant la fin de son mandat, Roberto Azevedo a invoqué des « raisons familiales ». Rien d’étonnant de la part d’un homme qui a toujours terminé les conférences ministérielles en remerciant son épouse. Mais il faut dire que, dans le contexte actuel de guerre commerciale ouverte entre les Etats-Unis et la Chine, directeur général de l’OMC, c’est juste un job impossible.
Le principal blocage vient de l’organe d’appel, auquel les Etats membres peuvent s’adresser pour contester les sentences du mécanisme de règlement des différends, qui statue en première instance. Lorsqu’il fonctionne à plein régime, l’organe d’appel compte sept juges. Mais depuis décembre 2019 il n’en compte plus que deux car Washington s’oppose à la nomination des nouveaux juges, si bien qu’il ne peut plus fonctionner.
En droit international, le mécanisme de règlement des différends de l’OMC est l’une des rares instances capable de faire appliquer les règles qu’elle supervise (rien de tel n’existe pour les droits de l’homme, par exemple). Il est constitué par un panel de juges qui examinent la plainte déposée par un membre contre un autre et, le cas échéant, autorisent le membre lésé à adopter des sanctions à l’encontre de celui qui a violé la trentaine d’accords commerciaux qu’il supervise. Il est de plus en plus utilisé par les pays en développement, comme l’a montré la plainte du Brésil contre les Etats-Unis.
Le Brésil a gagné une plainte contre les Etats-Unis pour les subventions du coton
En 2002 le Brésil, dont l’ambassadeur auprès de l’OMC était un certain Roberto Azevedo, a porté plainte contre les Etats-Unis pour leurs subventions aux producteurs de coton. Deux ans plus tard, le mécanisme de règlement des différends a statué que 75% des subventions américaines étaient illégales. Les Etats-Unis ont contesté la sentence devant l’organe d’appel, mais en 2009 celui-ci l’a confirmée: il a autorisé le Brésil à adopter des sanctions contre les Etats-Unis à hauteur de 830 millions USD par an et ce même dans des secteurs autres que l’agriculture (comme les services et les droits de propriété intellectuelle sur la musique et les films).
Mais cela s’est traduit par une victoire à la Pyrrhus pour le Brésil, qui a renoncé aux sanctions et accepté que les Etats-Unis financent un institut de recherche brésilien sur le coton, à hauteur de 147 millions USD par an. Les espoirs de ceux qui pensaient que les sanctions brésiliennes infléchiraient peut-être la politique cotonnière américaine ont été largement douchés: la Farm Bill adoptée peu après par les Etats-Unis prévoyait encore d’importantes subventions aux cultivateurs de coton. Ce au grand dam, non seulement des producteurs brésiliens, mais encore plus des producteurs africains, qui souffrent d’un prix mondial du coton trop bas, notamment à cause de ces subventions.
Coût moyen d’une plainte : 500’000 USD
Même si les Etats-Unis ont gagné 90% des plaintes où ils étaient impliqués, ils accusent l’organe d’appel d’avoir créé du droit qui n’existe pas, d’être trop politisé et d’avoir dépassé son mandat initial – notamment parce qu’il a jugé contraires à l’OMC certaines mesures anti-dumping que les Etats-Unis appliquaient de bonne foi.
Washington reproche aussi à cet organe de ne pas respecter le délai de trois mois pour rendre ses sentences et le fait que des juges continuent à servir alors que leur mandat est arrivé à échéance. Ils critiquent aussi la tendance de l’organe d’appel à donner son avis sur les lois nationales, à considérer que ses sentences devraient faire office de jurisprudence et à interpréter des dispositions des traités de l’OMC.
Pour sortir de cette impasse, la Suisse et 18 autres membres de l’OMC ont lancé le 30 avril une procédure provisoire d’appel par voie d’arbitrage, mais il est encore trop tôt pour juger de son efficacité.
Alliance Sud estime qu’il faudrait profiter de cette réforme potentielle pour faire en sorte que le mécanisme de règlement des différends profite davantage aux pays les plus pauvres, qui déposent très peu de plaintes.
Pour cela, il faudrait déjà réduire le coût moyen d’une plainte – 500’000 USD – pour les pays en développement, ou créer un fonds capable de financer ce montant, en complément du Centre consultatif sur la législation de l’OMC, sis à Genève, qui fournit des services juridiques à prix réduit aux pays en développement. Il faudrait aussi prévoir la possibilité que les pays riches paient une peine pécuniaire aux pays pauvres, au lieu que ceux-ci leur imposent des représailles qui sont la plupart du temps irréalistes. Finalement, il faudrait rendre les auditions du mécanisme de règlement des différends publiques et accessibles aux organisations de la société civile.
COMMENTAIRES
Bah, la Genève internationale, soutenue par de vieilles biques et autres biquettes, va mourir de sa belle mort, comme Geneva Airport.
Comme tout le multilatéralisme onusien.
Il n’y a que nos citoyens suisses, pour penser que l’on peut, à la fois, vendre le pays aux étrangers, faire croire que nous sommes neutres et avoir le beurre et la crémière, en soutenant pour des milliards dans les banques et l’immobilier et dans l’air horlogère.
Et qui va payer? Oin Oin ou Nantermod?
Vous avez raison, retournons au XIXème siècle, ou même au début du XXème, quand la Suisse était un pays enfermé dans ses montagnes, peu ouvert sur le monde, et que nos concitoyens de l’époque (dont certains de mes parents éloignés) devaient pour beaucoup s’exiler pour trouver des conditions de vie décentes! En fait, cela a d’ailleurs été le cas la plupart du temps dans l’histoire de notre pays. Ce n’est qu’en s’ouvrant au monde et en établissant des relations étroites en particulier avec nos voisins (plus quelques circonstances moins glorieuse sur lesquelles je ne m’appesantirai pas) que la Suisse a acquis la prospérité dont nous jouissons aujourd’hui, mais qui n’est pas forcément un acquis “définitif”.
Entre parenthèses, c’est quoi “l’air horlogère”?
Vous avez raison? J’ai dit ça moi?
Je m’adressais à O. Wilhem, comme le montre ma réponse sous SON commentaire, pas sous VOTRE blog.
Absolument désolée! Ce n’est pas toujours très clair, ou alors j’avais lu trop vite… Belle journée à vous
Il ne s’agit pas de revenir au XXIème, mais de constater que tout le système onusien et tous les organismes internationaux (G6 à 20 et tant d’autres) ne fonctionnent pas.
Ils ne défendent que les intérêts de leurs principaux bailleurs de fonds. Ils parlent de réformes depuis des lustres et on ne voit toujours rien venir. Je le sais, j’ai travaillé dans les système onusien.
Il faut restructurer tout leur fonctionnement bureaucratique.
Il faudrait oser leur donner une structure réellement démocratique, pays riche =autant de poids que pays pauvre ce qui évidemment ne plait ni aux américains, ni aux européens et pas même aux chinois, russes ou indiens, qui ont bien compris que le bailleur commande.
L’air horlogère est une analogie pour montrer et comme vous le dites, “… acquis pas définitif”, que l’horlogerie suisse a eu une période de gloire qui, sans doute, touche à sa fin.
Et pour terminer, la politique extérieure de la Suisse est bien cahotique et me parait loin de celle d’un pays “neutre”.
C’est donc “ère horlogère” que vous vouliez écrire ? Car je ne vois pas bien ce que l’azote-oxygène a à voir avec l’horlogerie :-).
Voyez-vous, cher Pierre-André, j’aime plus les mots que les chiffres, pour lesquels je n’ai aucune compétence.
Il parait que ça s’appelerait, Discalculique, alors, bien sûr, je n’en sais rien, le problème reste entier?
On pourrait écrire ” Aire horlogère” ou “Air horloger”?
C’était sans doute une contrepétrerie de mauvais goût?
Vous êtes un type bien 🙂